• Chapitre III   Mina Omnia

     

     

    Est-ce que j'existais ? Je ne savais plus. Le temps passait si vite. Personne ne faisait attention à moi. Je les entendais mais eux ne m’entendaient pas. Je les voyais mais eux ne me voyaient pas. À l'école, on en oubliait presque ma présence. On me demandait souvent comment je m'appelais. Moi, je les connaissais ; eux, c'est comme s'ils ne me connaissaient pas. Je ne parlais jamais avec les autres. Mes propres parents oubliaient mon existence,  oubliaient de me  chercher à l'école, de s'occuper de moi, de me faire à manger. Par contre, j'avais la formelle interdiction de toucher au réfrigérateur ainsi qu’à son contenu. Ça ils n'oubliaient pas. J'ai essayé une fois, pour Noël; papa m'a gifler, maman m'a punit dans ma chambre. Après, j'ai dû aller à la plus proche supérette, à quatre kilomètres de chez moi. Obligée d'y aller à pied, je mettais une heure aller-retour. Quand je revenais, je faisais  mon dîner puis commençais mes devoirs pour finir par me doucher. Je ne pouvais compter que sur moi-même. Jamais personne ne me proposais d'aide. J’étais en âge de me prendre en main à ce qu'il parait.

    Un jour, j'ai fait comme ils ont dit; j'ai prit ma vie en main.

    Je me suis suicidée.

    J'ai pensé à mourir comme j'ai commencé : en silence. J'ai préféré m'empoissonner. On s'occuperait peut-être de moi, peut-être.

                À l'école, l'infirmière  ne trouvait pas ce dont j'étais atteinte, alors chaque fois son diagnostique variait: un coup c'était la grippe, un autre un gros rhume,.... 

                  _ Je ne comprends pas, êtes vous sortie trempée? Avez-vous tenté quelques incroyables acrobaties pouvant vous mettre dans cette état? Vos parents ont bien prit rendez-vous chez le médecin? Ouhou, il y a quelqu'un là haut?  Comment voulez vous que j'arrive à quoi  que ce soit si vous ne me dites rien!

    Inutile de me poser des questions, inutile de chercher à savoir, écouter était bien au dessus de ses forces. J’ai décidé de m’emmurer dans le silence.

                Puis un jour d’Octobre, plus rien. Je ne vins pas à l'école pendant un mois voir plus. En Novembre, le professeur principal de ma classe annonça à mes anciens camarades :

                _"Mes chers élèves, j'ai une bien terrible nouvelle à vous annoncer, .... Elle avait disparue, ces parents disaient qu'ils ne savaient rien, qu'ils l'avaient vue la veille de son anniversaire et, puis ... plus rien."

                Visiblement choquée, Mme Maldon arrêta son récit. Elle commença à trembler et de légères larmes commencèrent à se former aux coins de ses yeux. Sa respiration, qui était alors jusque là régulière s'accéléra. Elle qui d'ordinaire était si stricte et autoritaire se retrouvait maintenant triste et fragile. Dans un élan de courage, elle essuya du revers de son pull marron foncé en cachemire les quelques larmes qui lui brouillait la vue, l'empêchant à présent de voir, et elle reprit son souffle pour finir son explication aux élèves, tous attentifs de la situation présente.

                _"Des recherches ont été effectués et Mina a été retrouvée...agonisante.... Les observations faites à sa découverte ont prouvé qu'elle s'était... empoisonnée. Je suis désolée pour ce qui lui est arrivée. Nous autres enseignants sommes incapables de reprendre pour le moment, nous vous passerons des informations suites à ce terrible accident, informant par la même occasion la fermeture temporaire de deux semaines de l'école." Sa phrase finit, un silence de plomb, suivit de chuchotement qui mirent en place une cohue, s'ensuivirent, autant à cause des deux semaines de fermeture de l'école que de l'annonce de mon empoisonnement. C’est ce que mon dit les médecins.

                Suites aux nombreuses demandes de ces derniers, mes parents vinrent me voir à l'hôpital. Ils ne versèrent aucunes larmes, ne poussèrent aucuns cris, aucune plainte. Ils ne me rassurèrent pas et partirent comme ils étaient venus: froids, glaciales et distant; tandis que moi, je pleurais, tout en sombrant dans un lourd sommeil que j'espérais éternel.

     

     

     

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